Les Amants du Pont-Neuf. Film de génie et de fou,
Les Amants du Pont-Neuf.
Film de génie et de fou, sorti dans la douleur du ventre de Leos Carax en 1991, Les Amants du Pont-Neuf raconte une histoire d'amour entre deux clochards sur un Pont-Neuf en rénovation. Je me rends compte ici que je n'ai jamais réussi à écrire de critiques. Tout ce que j'ai réussi à faire, c'est écrire l'histoire d'un mec qui regarde un film et qui raconte ce qu'il éprouve. En l'occurence ici, je suis resté tétanisé. Je ne m'attendais à rien, si ce n'est un peu de poésie, et j'ai eu le droit à une décharge filmique en pleine gueule. Les premières images du film, quasi documentaires, nous présentent des clochards parisiens dans leurs plus grandes nudités. C'est puant, c'est crade, ça sent le vrai. A vrai dire, on ne sait pas. Mais ces images de vieillards burinés, de femmes battues, d'hommes assoupis, donnent le ton, imposent quelque chose, une volonté forte, un univers.
L'histoire qui va suivre ressemble à un fantasme à l'eau de rose. Mais c'est beau. Quand même. C'est vivant. Comme si on parlait d'un morceau de viande rempli de vers. Entre les tableaux posés, les creux silencieux, les longs plan-séquences et les envolés lyriques, les piques sonores, les travellings qui te balançent dans la vague et t'emportent jusqu'à l'émotion : le film alterne les chocs et les pauses, les grâces et les flammes, comme sur la courbe d'un cardiogramme. Et puis il y a des images qui semblent tout droit sortit d'un cerveau en feu. Comme cette scène de jet-ski, hallucinante, ou celles des affiches allumées au briquet. C'est parisien, ok, c'est too much, peut-être, mais putain comme c'est brûlant, comme c'est fort, comme c'est mégalomaniaquement impressionnant. L'ode à l'amour enragé, le poème baroque d'un cinéaste. Et ce Denis Lavant qui cabriolle comme un singe, cette Juliette Binoche, noueuse et fragile, écorchée et belle comme une aurore. Et ces travellings, ces longs travellings dans le métro. Comme si le cinéma accordait des permissions aux rêves insensés.