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Un regard sur la route
27 mars 2010

SHUTTER ISLAND Martin Scorsese. Vues sous un

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SHUTTER ISLAND


Martin Scorsese.


Vues sous un certain angle, les films de Martin Scorsese ont toujours frisé avec la folie.

Que ça soit Trevis/ De Niro dans Taxi Driver, Frank Costello / Nicholson dans The Departed ou le Howard Hugues / Di caprio dans Aviator, les personnages fétiches du réalisateur ont toujours empreinté les chemins de croix tortueux de la dégénérescence. Ainsi, Shutter Island apparaît comme l'aboutissement de cette réflexion folle, l'île cage où de gentils démons binoclards et d'étranges anges déchus se bousculent, nous levant le miroir de la folie en pleine face.

L'écran blanc et l'apparition fantomatique du navire au début annoncet la couleur. Les personnages semblent sortir du néant, leurs passés mis sous clés, les cadavres de l'intrigue dissipés dans les draps opaques du brouillard. La couleur blanche de l'introduction s'électrifiera tout au long du film, passant de l'éclat passager, des phares de voitures, aux flashs lumineux de la migraine jusqu'à l'éblouissement mentale. Ce blanc immaculé est ici symbole d'oubli, de folie, le symbole d'un double caché qui peine à se découvrir, une quête de vérité où le fantôme des camps est encore à l'affût, remontant l'horreur des eaux du souvenirs.


Le film prends un malin plaisir à nous emmener là où on ne s'y attends pas. Tout les détails grouillent devant nos yeux, mais on suit le mouvement, les soupçons écartés dans un coin de la tête. L'intrigue en spirale s'enroule autour de nous et nous enfonce toujours plus profondément dans la démence du personnage. Comme pour le spectateur,  les indices n'arrêtent pas de se resserrer, nous rapprochant toujours plus près du gouffre. La surprise n'en est que plus puissante.

Faux raccord, détails, tout se recoupe au final, et avec un regard rétrospectif, les béances du film s'effacent. Tout devient plus clair. Cela va du simple regard dans le miroir, au tout début, aux gestes étranges des gardiens, à la difficulté du co-équipé à enlever son étui, jusqu'aux regards hallucinés des patients.

Comme dans tout bon film à twist, la fin se savoure comme la chute d'une blague macabre. Comme dans un jeux de rôle où les masques tombent à la fin. Le dialogue avec le shérif résonne alors avec une nouvelle force :


" Et si je décidais maintenant de vous arrachez un œil à la petite cuillère, vous pensez pouvoir encore retenir votre violence?"

"Vous n'avez qu'à essayer...".

La puissance du film réside aussi, et surtout, dans sa fin à double tranchant, où rien n'est finalement décisif. "Vaut-il mieux vivre en monstre ou mourir en homme bien..." C'est à ce genre d'ambiguïté qu'on savoure les grands films.

Au niveau des acteurs, Di Caprio n'a jamais été aussi bon selon moi, sculpté par un Pygmalion scorsesien aux petits oignons. Il y a dans l'acteur, une maturité, une profondeur qui fait frémir. A côté, Ruffalo réussit à garder une certaine présence. Ben Kingsley joue aussi tout en finesse, avec son accent british toujours aussi aiguisé, toujours aussi pointilleux et ambigüe. A noter la présence de l'acteur qui jouait Rorschach (Jacki Earle Haleydans) dans Les Watchmens, encore dans un rôle d'enfermé le pauvre. "Ce n'est pas moi qui est enfermé avec vous, c'est vous qui êtes enfermé avec moi..."

Dante Ferretti  (Les aventures du Baron de Munchhausen, Aviator, Sweeney Todd, Les 120 Jours de Sodome, La Vocce della Luna, et j'en passe...) signe les décors du film. C'est toujours aussi monumental, toujours aussi impressionnant. Il réussit à mettre les lieux en accord avec la névrose ambiante, à rendre le labyrinthe intérieur, et extérieur....

Shutter Island se regarde avec grand plaisir, malgré les quelques cendres qui n'arrivent pas se dissiper à la fin du film. Cette fascination pour la fatalité et la folie en devient quelque peu malsaine, quoique que le retournement final vaille largement le coup.


A quand la renaissance de Scorsese?

P.S. Un article du Magazine Littéraire rapprochait le film de Polanski ( The Ghost Writer - pas encore vu à cette heure.....) à celui de Scorsese. Tout les deux se passant étrangement dans le cadre claustrophobe d'une île, sur une scène fermée, où, dans le cas de Shutter Island, la narration se retournait finalement sur elle-même.


L'article du magazine soulignait les faiblesses du cinéma face au grand pavé littéraire, son incapacité à s'extraire de sa forme et à trouver une narration hors du cercle. Illustré içi par la figure de l'île, le 7ème Art ne pourrait pas, soit disant, vaincre le livre monstre, paginé à l'infini.

Ce débat reste pour moi un faux débat : le cinéma exprime une vision différente par rapport au support littéraire. Il a son propre espace, sa propre magie, sa propre musique, sa couleur, son alchimie, ce que le livre ne peut avoir, malgré son avantage de taille et sa force introspective hors normes. Ainsi, la ressemblance entre les deux espaces filmés, entre ces deux îles, marquent plus l'étouffement lié à l'histoire qu'à une lacune lié à l'essence cinématographique.

P.S. Scorsese cite plusieurs films comme source d'inspiration : La Féline, I Walked with a Zombie, Out of the Past, avec Robert Mitchum, tout les trois réalisés par Jacques Tourneur. Il cite aussi Laura d'Otto Preminger ainsi que Le Procès, d'Orson Welles, adaptation du livre du très dérangé et très lucide Monsieur K. (Voir interview sur Allociné....)


P.S. Max Von Sydow joue dans le film... Oh, il a juste joué dans Le 7ème Sceau de Bergman...


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Commentaires
P
Peut-être pas la renaissance de Scorsese en effet, mais un film imposant, impressionnant et parfaitement construit, qui garde une certaine ambition, pas un cinéma de papy quoi. Il y a en plus quelque chose de grandiloquent, une vraie folie là-dedans. Moi ça m'a filé des sueurs froides.
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