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Un regard sur la route
7 septembre 2014

Journal de Chine

JOURNAL CHINOIS

 2/6

 

Vendredi 18 Juillet : Départ d'Epinal

 

Cette nuit, j'ai rêvé que je me noyais au fond d'un lac noir.

Après avoir raconté mon rêve à la table du petit dèj', Lolo et Quentin me regardent avec des yeux de marmottes mal réveillées. « Ah ouai... »

Il est 5h du mat.

Voiture jusqu'à Epinal. Là-bas, les gamins disent « Au Revoir » à leurs parents. Départ. Dans le bus, mise au point des coachs. Route. Petite sieste. Pour inaugurer les festivités, je largue une perlouze, puissance 8 sur l'échelle de Richter, parfum forestier, avec soupçon vénéneux. Dégâts collatéraux, derrière. Quatre morts (de rire). Tout ça à cause de la bière slovène de la veille, tiens !

Premiers contacts avec les ados. Certains sont timides et fuient la caméra. D'autres lèvent le nez et font les beaux. Avec Emilien, on essaie d'apprendre des mots chinois. Comme : « Tsesuo Zai nali ? » qui veut dire « Où sont les toilettes ? ». Arrivé à l'aéroport Charles de Gaulle. On reçoit nos passeports. Enregistrement des bagages. Passages de douane. Putain, ça y est.

Les coachs sont Djamel, Alex et Mickaël. Ils se connaissent bien et n'arrêtent pas de se charrier. Bonne ambiance. Montée à bord de l'A380. Pendant le décollage, Émilien a des sueurs froides. Il pianote sur ses accoudoirs et serre les fesses. Personnellement, ça va. Je reste pragmatique. La mort peut venir, je suis prêt. En face de moi, sur un écran, je mate les différentes vues de l'avion. Sous son ventre. Du haut de sa queue. Ça me fait penser à « La Société du Spectacle » de Guy Debord et le fait qu'on perçoive maintenant le monde qu'à travers des représentations. Si tu comprends pas ce que je dis, n'hésite pas, demande moi, je suis du genre sympa comme mec.

Pour le trajet, j'ai prévu de lire « Le Livre du Voyage » de Bernard Werber. De la bonne came, refilé par ma voisine. Premiers mots, premiers engourdissements. Un bon Werber. De l'époque où il arrivait encore à m'injecter une bouffée de curiosité dans les veines. A côté de moi, Lolo sirote une Budweiser en regardant « Fantastic Mister Fox » et Emilien regarde « 9 mois Fermes ».

La nuit tombe. L'avion est plongé dans la pénombre. Des villes tentaculaires apparaissent sous le hublot. Des idéogrammes lumineux. Et des voitures, qui roulent comme des lucioles microscopiques. Le golf persique arrive. Je regarde « 9 mois Ferme » d'Albert Dupontel après avoir hésité entre 1200 autres films. Enfin un bon film français !

Dubaï. Aéroport immense. Colonnes argentées démesurées. Vitres en forme d'amandes, hautes de 50 mètres. Ascenseurs en marbre. Une vidéo pour un hôtel gigantesque, en forme de porte d'Orient, passe sur des écrans. On dirait une publicité de science-fiction pour une planète paradisiaque. Tout est propre et lisse. Ça pue le fric. Cigarette avec Alex, un des entraîneurs. Chouette discussion. Emilien se paie un burger à 5 heures du mat. Un vrai glouton celui-là. Il doit être né sous le signe du taureau ascendant vache pour avoir autant d'estomacs. Embarquement pour Pékin/Beijing.

 

Samedi 19 Juillet 2014 : Arrivée en Chine.

 

En nous donnant notre petit-dèj, l'hôtesse nous file un drôle de formulaire. On doit dire d'où on vient, nos mensurations et nos penchants sexuelles (Nan, je déconne...). Ce qui est drôle, c'est que dans le dos du papelard, le mot étranger est traduit par: ALIEN. C'est la première fois qu'on me considère comme un extra-terrestre. La classe internationale !

Aéroport de Beijing. Là, c'est bon, y a pas à tortiller du cul, on y est. Aéroport. Passage de la douane. Métro. On se croirait à Paris, à 18H, sur la ligne B du RER. Bonjour le dépaysement !

Une guide nous reçoit à la sortie. C'est une vieille dame, toute petite, avec un chapeau à ombrelle sur la tête. À l'extérieur, une peau de chaleur nous saute dessus. Les jeunes ont l'air ailleurs. Alors que nous, les journaleux, on est sur le pied de guerre, prêtent à shooter. Trajet sur l'autoroute. Je suis impatient de voir ce que la Chine nous réserve. Parce que là, je ne vois que des arbres et des voitures.

Beijing. 19 millions d'habitants. Plus on s'enfonce dans la ville et plus on voit apparaître des immeubles massifs, accompagnés de leurs 8 frères. Les architectes en Chine sont des feignasses. Ils dessinent un plan d'immeuble et le copient une trouzaine de fois. Bien plus tard, après des noeuds, des carrefours, des milliards d'immeubles, apparition du Nid d'Oiseau, ce stade qui servit pour les Jeux Olympiques. Il est gris et orné de lignes diagonales, comme des tresses. On dirait un vaisseau spatial, abandonné là en attendant de repartir pour Pluton. La guide nous dit qu'il est vide. Et ne sert plus.

Sortie du bus. Mur de chaleur dans la gueule. Promenade. Touristes chinois en chine. C'est drôle. Grande esplanade devant le stade. Certains ados font la gueule, le nez sur leur téléphone intelligent. Ils ne captent pas le wifi, mais ils ne captent pas non plus l'ampleur de ce qu'ils ont devant les mirettes. Faudra penser à changer de récepteur, les gars.

Au loin, dans la brume de pollution, se dresse un gratte-ciel gigantesque, d'un bleu sombre, comme une ombellifère préhistorique. Ça me troue les pupilles. Tous ces immeubles collées les uns aux autres. Ces tonnes de ciment. Ces hectolitres de sueur. Et toute cette terre soulevée, encore et encore et encore... Incroyable, mais vrai, bordel !

Bus. Direction le centre ville. Salon de thé. Ensuite, restaurant. A l'intérieur, différents couples mangent. Ça parle fort, ça braille, ça fume, ça vie. Je pense aux films de Wong-Kar Waï, mais dans une version populaire. Bières. Tables circulairse. Salade de trucs jaune, coupés en frite. Champignon à la sauce caramel. Avec Loïc, on trouve ça absolument délicieux. Poulet froid. Légumes verts. Le truc jaune, c'est de la patate, nous dit la guide. Elle est très gentille la guide. À mieux la regarder, on dirait que c'est ma grand-mère qui s'occupe de notre visite en Chine.

 Je demande au serveur où sont les toilettes, le tout en chinois s'il te plaît ! Et il capish, le mec ! Aux chiottes, il y a des cendriers au bord du trou. L'odeur d'urine est si présente, que mes narines se réveillent aussitôt : « Josianne? », dit la narine droite à sa voisine : « Je crois qu'on est sorti de notre zone de confort... »

Sortie du restaurant. Nuit. Les enseignes rouges explosent leur jus couleur pastèque sur nos gueules. Bus. Direction, la gare. La guide nous explique qu'il faudra faire attention à cause du monde. Au détour d'une route, v'là que la gare apparaît. Immense. Large. Soviétique. Illuminée comme un sapin de noël.

Ici, débute un chapitre hallucinant. En même temps, quand la guide chinoise nous avait dit qu'il allait y avoir du monde, on aurait dû se méfier... On a oublié qu'elle vivait dans un pays d'1 milliards 300 millions d'habitants ! Et que donc, quand elle te dit : « Vas y avoir du monde » c'est que PUTAIN DE BORDEL DE DIEUX, VAS Y AVOIR UN SACRE PAQUET DE MONDE !

A peine nous mettons un pied sur la place, que nous devons nous frayer un chemin au milieu d'une foule incroyable. Des schlags, bronzés comme du poulet au caramel, dorment au milieu du flot humain. Des voyageurs passent devant nous par centaines de milliers. La guide mène les opérations à la baguette (chinoise) et nous demande de rester collé-serré. Devant le premier passage, une longue file d'attente nous barre la route. Un type s'engueule avec le guichetier sous la lumière blanche d'un néon. De grosses gouttes de sueur roulent sur son nez. La chaleur est étouffante, même à 21H.

Pourquoi autant de monde un soir comme ça ? « C'est les vacances, » nous répond la guide. Mais on passera jamais ! Interrogations. Soudain, la guide nous hurle : « Vite, dépêchez vous ! » On gruge la file. Intérieur. Passage des portiques, à côté de policiers. Escalator. Bousculades. Quand on déboule, les gens se tournent vers nous avec des têtes pas possible. Des têtes fatiguées, suantes, souriantes, ronflantes, rêvassantes, ivres, mal-réveillées, engourdies, impatientes. Ils sont assis à quatre sur un baluchon, à côté de leurs valises. Sur un banc. Par terre. Il y a des vieux. Des enfants. Des shlags de gare (un classique). Des familles à n'en plus finir. Voyant ça, les ados vosgiens font des yeux ronds comme des soucoupes volantes. De vrais aliens, j'te dis.

Deuxième sas. Mur d'attente infranchissable. Des centaines de voyageurs sont serrés là dedans. On se regarde. En se demandant comment on va pouvoir sortir de ce bordel. Comment on va faire pour chopper le train. La guide négocie. Des militaires nous reluquent. Attente nerveuse. Promiscuité extrême. L'hôtesse nous hurle alors dessus. Et on gruge encore une fois. Course. Pont. Néons bleus et rouge. Ambiances John Carpenter, style « Jack Burton ». Rajoutes un peu de vert et de jaune sauce Wong-Kar-Waï et tu as le mélange chinois actuel : tradition et modernité.

Repérage du train. Installation rapide. Un chinois lit le journal, dans notre couchette du bas. Il nous regarde d'un air curieux. Après vérification, tout le monde est là. Regards. La tension baisse. Le train démarre. Ouf.

Mika, un des coachs, discute avec l'homme de la couchette. Il lui fait comprendre par des signes qu'il ronfle comme une locomotive. Le chinois se prend la tête et rigole en faisant la grimace. Parfois, les gestes suffisent. Mika nous parle alors de sa vie. Et je vais garder ça pour moi. Je sais, c'est paradoxale, mais j'me permettrais pas de raconter certains passages. Quand ça touche aux histoires qui palpitent sous la carapace intime des autres, je m'efface.

Avec Emilien, on fume une dernière clope, entre deux wagons. Avec le roulis du train, les contrôleurs, le vendeur d'eau et de chips, et les filles qui vont pisser.

Dodo.

 

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