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Un regard sur la route
6 mai 2013

RELAIS 3ème partie. - Oui Frérot, je sais... Le

Cristales_cueva_de_Naica

RELAIS

 

3ème partie.

 

- Oui Frérot, je sais...

 

Le proviseur du lycée Grimaud, Hector Grimaud, parle au téléphone avec son frère, PDG d'une multinationale de transport. Il lève les yeux au plafond tout en écoutant. Il batifole du regard. Il croise celui de sa secrétaire, assise dans un petit bureau adjacent. Elle a un chignon de cheveux blonds et un air sérieux malgré son chemisier qui baille et un soutien gorge dentelé. Elle tape à l'ordinateur. Elle croise son regard. Le proviseur acquiesce. Elle répond par un sourire et lui dit, en chuchotant :

 

« N'oubliez pas votre rendez-vous avec Mr Locar. »

 

Le proviseur réponds en muet.

 

« Oui. »

 

- Bon, je te laisse Bernard, j'ai un rendez-vous. Tu me raconteras le diner avec les belges demain.

 

Hector Grimaud raccroche et s'étire sur son siège. Il observe les jambes de sa secrétaire et sent monter en lui une bouffée de chaleur. Il s'imagine un scénario érotique en quelques secondes, une position sexuelle, un râle de jouissance, puis l'ombre du rendez-vous fait surface. Il détache son regard des gambettes et jette un œil sur son bureau tout neuf.

 

Un canapé de cuir noir se tient en face de lui. Une armoire vitrée, à gauche, dans un coin, renferme des appareils de mesure chimique et un sextant. Des tableaux d'arts abstraits sont attachés au mur. Seul la photographie de son grand-père dénote...

 

Toute une équipe de mineur, au fond de la mine, est là, entourée par les roches nues. L'éclair du flash éblouie les visages brouillons, les yeux fermés de certains, son grand-père au centre avec le coffre, une toile de peintre et un cristal de roche. Les visages sont fiers et heureux. Toutes la fortune des Grimauds, l'hégémonie de l'empire économique, tient dans cette photographie, car sans cette découverte...

 

Toc Toc Toc !

 

Une tête sort de la porte.

 

« Je ne vous dérange pas Mr Grimaud ? »

 

Hector Grimaud sort de sa rêverie et se relève brutalement.

 

« Non, non. Rentrez Mr Locar, rentrez ! »

 

Benoît Locar rentre.

 

« Asseyez vous. »

 

« Ça ira, merci... »

« Dites moi tout Benoît... »

« Et bien, c'est à propos de cet élève, Lily Elsass, je voulais vous parler de certaines de ces extravagances... »

« Oui... Celle qui a ramené un écureuil en classe, c'est ça ? »

« C'est bien ça... »

« Et bien, je trouve la sanction un peu disproportionnée... Vous auriez pu au moins en parler avec ses parents et clore le dossier ainsi... »

« Ecoutez Benoît, je sais que vous soutenez les causes perdues, mais je crois qu'il est légèrement disproportionné d'amener des animaux en classe. Comment ferons nous lorsqu'un élève ramènera une tarentule ? Un crotale ?»

 

Tout en laissant le proviseur continué sa logorrhée sur les adolescents et leurs animaux de compagnie, Benoît glisse légèrement sur la droite. Il fait quelques pas et s'approche de l'armoire vitrée. Il dépose un petit objet dans son dos, de manière à rester caché du proviseur. L'objet se clipse discrètement contre la paroi. Benoît acquiesce aux paroles de son supérieur, fait mine de le contredire, puis glisse sur sa gauche, l'air pensif et s’assoit. Il clipse un autre petit objet sous le bureau, en direction de la photographie des mineurs.

 

« Comprenez moi, Benoît, si une morale ne s'instaure pas avec vigueur, c'est la porte à toutes les dépravations... »

« Enfin, ce n'était qu'un écureuil... »

« Qu'importe ! Le lycée Grimaud n'est pas le repère du club des 5. Etre entre ces murs est un honneur. Ce lycée porte le nom de mon grand-père, je ne veux pas qu'il se transforme en zoo. J'espère être clair. »

« Parfaitement... »

« Je vais peut-être revoir la sanction, mais n'oubliez pas ce que je vous dis : le STANDING ! »

« Bien, Mr le Proviseur. »

« Bon, je vous retrouve demain pour le conseil de classe. »

« Parfait. »

 

Benoît salue la secrétaire, qui lui répond par un sourire en coin, et sort du bureau. Il allume son téléphone portable et compose un numéro.

 

« Cheval à berceau, vous êtes avec moi ? »

« La course fut bonne ? »

« Oui, ça va. Tu peux te connecter aux caméras ? »

« Encore deux secondes, et j'y serais... »

« C'est pas berceau que j'aurais du t'appeler, mais tortue luth... »

« Dis moi, tu veux vraiment l'avoir ce code ou tu veux retourner corriger tes copies da glandeurs finis à la pisse ? »

« Accouche... »

« Il est encore dans son bureau. Il réfléchit. Il vient de fermer la porte de sa secrétaire... »

« Merci. »

« De rien, coco. »

 

Hector Grimaud se déplace vers le tableau. Il observe un instant la photographie. La vieille plaque sous verre, petite peau fragile et grisâtre. Les mines. Le coffre. Le trois-mats. L'instant magique. Il agrippe des ongles le bords du cadre et ouvre une paroi. Derrière le tableau, un coffre en métal polis apparaît, une molette en son centre. Il compose une suite de numéro et ouvre le coffre. Il prends quelques papiers et observe un instant le reste du contenu. Des cristaux de roche, des croquis, une toile.

 

« Tu as la combinaison ? »

« C'est bon. »

« Très bien Berceau. »

« Il a sortit quelques papiers du coffre. Cela ne me semble pas très important. C'est de l'administratif pour la boîte des Grimaud... Bon, tu es prêt à percer le mystère ? »

« Oui. Envoie-moi la combinaison par SMS. On se retrouve dans 6 heures, place Lana. »

« Bien. »

« Cheval à Berceau. Stop. »

« Stop. »

 

* * *

 

 

La nuit est installée.

 

Les ruelles dorment.

 

Des chats passent sous les voitures.

 

Un souffle se glisse sous la porte du lycée Grimaud, s'entourloupe dans le hall et file à travers un couloir vide. Il traverse une petite place calme et ombragée et se fait happé par un courant d'air...

 

Habillé de noir, Benoît dégoupille la poignée ronde de la porte et laisse l'air rentrer.

 

« L'alarme était désactivé depuis presque 21h... »

« Bon boulot ! » répond Benoît, qui rentre dans le secrétariat.

« Mais ducon, c'est pas moi qui a désactivé l'alarme. Elle est arrêté depuis 3 heures déjà, ce qui n'est pas logique, puisque je viens seulement de rentrer dans le système informatique»

« Y a personne dans le coin ? »

« Je ne sais pas. Les caméras m'ont lâché t'a l'heure. »

« Mais putain, qu'est-ce que tu fous ? Tu pouvais pas mettre des piles plus puissantes ?»

« Tu me parleras de piles une autre fois, rentre maintenant... »

« C'est ça, branque.»

 

Quelques déclics suffisent à ouvrir le bureau du Proviseur. Le courant d'air fait claquer la porte brusquement. Benoît sursaute. Il regarde aux alentours. Rien à l'horizon. Il referme la porte doucement, essaie de se calmer et fait un pas dans le bureau...

 

Il y a quelqu'un à l'intérieur.

 

Une silhouette se découpe à la fenêtre. Elle se tourne vers lui et bascule soudain dans le vide. Benoît n'a pas le temps de reprendre son souffle, qu'il se retrouve tout seul dans le bureau, une fenêtre ouverte et un voile de rideau qui ondule. Il s'approche de la photographie. Il déplace le cadre. Le coffre est ouvert. Il n'y a plus rien à l'intérieur. Juste un mot :

 

« Поцелуи. »

 

Benoît reste pantois.

 

« Putain... »

« Quoi ? », dit le Berceau, à l'autre bout de l'oreillette.

 

Benoît va à la fenêtre et jette un œil dehors.

 

L'ombre disparaît au coin d'une ruelle.

 

« On s'est fait doublé comme des bleus... »

« Mais qu'est-ce que tu me racontes ?!!!! »

 

* * *

 

Je m'appelle Irina Rimpurnov et je viens récupérer mon bien.

 

Je ne suis pas une extra-terrestre ou une dévote d'une secte quelque-conque. Je n'appartiens qu'à moi-même. Je ne connais que mon histoire. Et mon histoire commence par mon nom, par mon passé. Mon arrière-arrière-arrière-arrière grand-père,Vlad Rimpurnov, a participé à l'expédition KRYSTAL de L'Iskra en tant que peintre de bord - expédition anonyme dont le but était de trouver un trésor sans nom -quoi qu'on en dise- sur une île du Pacifique-. Les rumeurs qui entouraient cette île étaient vagues, propices à l'imaginaire et tournaient autour des mots : « Richesse », « Mystère » et « Gaïa ». Les mufles, aventuriers en tout genre, branles-noeuds, sans-fois ni-lois, bout-en-train et autres calimachoneux, prirent le large à bord de ce navire. Mon aïeul fit partit de cette fine équipe, abandonnant lâchement mon arrière-arrière-arrière-arrière grand-mère à son sort misérable.

 

Ce qu'ils trouvèrent là-bas, peu de gens l'ont décrit. Mais les Grimauds, eux, savent. Les os de Vlad furent retrouvé près du cristal de roche, dans les mines françaises - bien que cela soit omis dans le rapport du 12 Mars 1904, dont j'eu la connaissance après maints recherches et voyages-.

 

Comment expliquer ma présence ici ?

 

Une maladie pourrait l'expliquer. Elle s'appelle le besoin de savoir. Le besoin de retrouver ses racines, de savoir d'où l'on vient, de connaitre ses parents, de connaître les relayeurs, de fouiller, de creuser, d'éprouver cette excitation du pionnier, ce sentiment de côtoyer l'inexplicable...

 

Mais je bifurque, je m'écarte.

 

Revenons, si vous le voulez bien, il y a 300 ans.

 

Mon aïeul aurait découvert, d'après le journal que j'ai aujourd'hui entre les mains, des instruments de mesure hors du commun dans le navire. Ne connaissant le but de leur utilisation, il patienta et s'infiltra sur l'île, alors qu'il était prisonnier. D'après le reste du corps trouvé dans les mines, il fut abattu d'une balle avant de pouvoir comprendre la raison de sa venue et le but mystérieux de cette mission.

 

Ne reste de mon aïeul que croquis, visages, atmosphère marine, ombres houleuse et portrait à la bougie. Qu'il reste en paix. Ses tableaux orneront l'histoire de mon passé.

 

Etrangement, la suite de cette histoire reprends en France, au fond d'une mine. Toute la question est : Comment le coffre contenant les instruments, le cristal de roche, ainsi que les corps, purent-ils pu arrivé là-bas, 20 000 km plus loin, au fond d'une mine du Pas-De-Calais ?

 

La réponse se trouve dans la partie censuré du rapport français.

 

Après le second éboulement, Oscar Grimaud présente à l'équipe de sauvetage une nouvelle galerie. Celle-ci débouche sur une petite grotte lumineuse dont le centre est habité par un cristal de roche de la taille d'une petite maison. D'après certains témoignages -récupérés avec le couteau sous la gorge - je peux assurer que cela ne ressemblait à rien de connu, ou peut-être aux cristaux trouvés dans les Mine de Naïca, au Mexique, mais rien de semblable. Un seul et unique bloque de 4 tonnes, mat, pâle, possédant un foyer lumineux en son centre, ciselé et froid. Le plus intriguant fait son irruption par la suite. Rationalistes et sceptiques, prenez la porte du fond, cela ne sert plus à rien de m'écouter.

 

Après s'être approcher, Oscar Grimaud aurait fait le geste de trop. Le petit cristal, trouvé dans le coffre, correspondait parfaitement à un emboîtement situé au cœur du grand cristal. Il l'enfonça dedans, par curiosité, comme une clef, et tout prit alors son sens. Il fit un pas dans le cristal et disparut, fondu, happé par la roche. Les autres membres de l'équipe en perdirent leurs voix et leurs yeux. Certains fuirent, pris d'un délirium tremens dont ils pensaient être les victimes. Par le manque d'oxygène. Ou par le gaz. L'un d'entre eux, Eugène Deroulède, prit son courage à deux mains et rejoignit Oscar dans le cristal. Ce qu'il décrivit ensuite dépasse l'entendement. Croyez moi ou non, il s'est retrouvé téléporté dans la grotte située sur l'île du Pacifique où mon aïeul avait débarqué, lui et l'équipage pirate de l'Iskra. D'abord, il y eut la moiteur, l'obscurité de la grotte, puis le trou éblouissant de lumière et la découverte de la forêt tropicale, du chant des oiseaux, de la chaleur qui étouffe et des odeurs de sous-bois, des arbres et des embruns salé transportés par la brise de l'Océan Pacifique.

 

Ils revinrent dans la grotte, en France. Parlèrent de ce qu'il avaient vu, sentit, touché. Les mineurs restèrent bouche bée. Oscar ramena une noix de coco. Ils n'y croyaient pas. La partie censuré du rapport s'arrête là.

 

D'après d'autres sources, Oscar Grimaud prit les devants et demanda la paternité de cette découverte. Des voix contraires s'élevèrent parmi les mineurs, particulièrement les représentants de la Compagnie et de l'Etat. Un engrenage complexe se mit en place à partir de ce jour là, entre une faction pro-découverte et une autre, administrative, préférant garder sous silence cette porte spatio-temporelle dont les priorités inconnues effrayaient. Ou étaient convoité. Un consensus fut apparemment trouvé, entre le silence de certains et l’appât du gain des autres.

 

Monolithe tombé du ciel, cristal de roche à propriété nouvelle, veine minérale à travers la terre, arborescence mystérieuse, réseau Gaïa, système de transport extra-terrestre, relais inter-spatiale, affabulation, hallucination collective : la liste non-exhaustive des qualificatifs donnés à ce rocher ne permet pas d'englober la révélation, la surprise et l'étonnement que furent ces voyages. Des rumeurs parlent d'autres rochers. Les informations manquent, mais je dois encore approfondir mes recherches. Je suis là pour mes racines, pas pour concurrencer les Grimauds. Car les Grimauds ont réussi à s'enrichir grâce à ces roches, dans le domaine du transport. Comment ont-ils réussi à garder le secret ? Cela reste occulte. Peut-être que lycée Grimaud sert de zone de protection, de lieu de transit. Je ne le sais pas. Ce qui est sûr, c'est que d'autres roches existent, que l'empire économique Grimaud, qui a atteint son apogée, va bientôt connaître des fuites et des rebondissements.

 

J'ai retrouvé les carnets de mon aïeul. C'est le plus important.

 

Ce poste de secrétaire intérimaire dégotté il y a quelques mois m'aura permis de m'infiltrer dans ce bureau des Grimauds et d'attiser les penchants les plus bas du directeur, plutôt que ses soupçons. Une petite expédition de voleurs de bas-étages m'aura permis de trouver la combinaison. Et de les doubler. De toute façon, il n'aura pas cerner l'envergure de leurs trouvailles. Je les remercie quand même.

 

Je m'appelle Irina Rimpurnov et mon histoire s'arrête ici. Elle reprendra peut-être un jour, sur d'autres latitudes, dans quelques années ou quelques millénaires, qui sait ?

 

* * *

 

Il y a de nombreux relayeurs dans cette course, mais personne ne sait où et comment elle se finit.

 

Le relais, sans le savoir, vous l'avez dans votre poche.

 

Oui.

 

Vous venez de regarder dans votre poche et vous n'avez rien trouvé ?

 

C'est normal, je parle d'une métaphore.

 

Vous ne savez pas quel est cet animal aquatique à poil roux qu'est la métaphore ?

 

C'est normal, une métaphore est une figure de style et non un animal, et elle me permet d'exprimer ce phénomène étrange et invisible portant le nom savant d'arbrus généalogicus.

 

Ou le fait que chaque personne, sans le vouloir ou le savoir, porte en lui le relais du temps, le relais des générations, que chaque personne est à la pointe d'une immense ramification, le maillon final d'une longue chaîne qui, lorsque vous regardez derrière vous, apparaît comme un vaste champ se déroulant au loin, l'antériorité des relayeurs se démultipliant,

                                            se démultipliant.

                                                   se démultipliant.

 

Et soudain, vous comprenez la richesse et la complexité d'un arbre, des racines au bourgeon, vous comprenez la beauté des liens vitaux qui lient une barrière de corail, la subtilité des carambolages dans une partie de billard et les mouvements stellaires des fourmis sur un talus.

 

Derrière vous, quelqu'un vous a passé un relais.

 

Ce relais contient le génome de votre Histoire. Petite ou grande, invisible ou résurgente.

 

Certains objets sont les relais du temps, et ce sont les seuls vrais trésors matériels à mes yeux.

 

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