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Un regard sur la route
3 mai 2013

( Isaac, le Pirate - Christophe Blain ) RELAIS

 

Isaac( Isaac, le Pirate - Christophe Blain )

RELAIS

1ère Partie.

 

L'histoire que je m'apprête à vous raconter est un relais.

 

Elle est plutôt courte, bien qu'elle brasse de nombreux siècles et draine avec elle de nombreuses vies. Vous auriez pu entendre cette histoire au fond d'un bar, de la bouche d'un vieux poivrot, un peu marin et un peu marrant, ou de vive voix, lors d'une conférence animée par un spécialiste en archéologie sous-marine - et accessoirement en histoires incroyables. Vous auriez pu aussi l'entendre au bord de l'océan, après quelques rhums, mais vous l'auriez peut-être oublié.

 

L'histoire commence semble-t-il le 16 Mai 1764 à Saint-Pétersbourg lorsque Vlad Rimpurnov prit le large à bord de L'Iskra. Cet homme, d'une trentaine d'années, était là pour une raison simple : il n'avait plus grand-chose à perdre. Ce travail de peintre proposé par ce navire était la seule solution qu'il avait trouvé pour fuir ses créanciers et tenter de ramener un peu d'argent à sa femme et sa fille. Cette décision prise, il n'avait pas réfléchit à deux fois et n'eut pas de regard sur la tâche qu'on lui proposait. Tant qu'il pouvait être loin du couteau des créanciers et des hurlements affamés de sa femme, il en était ravi.

 

La destination du trois-mats ? Il ne la connaissait pas. Tout comme le but du voyage d'ailleurs, qui, s'il l'avait sût, l'aurait immédiatement fait changer d'avis et aurait donné une tout autre forme à son destin. Mais que voulez-vous, nous aimons tellement voir les hommes tomber.

 

L'Iskra était réputé comme « le plus puissant Trois-mats de toute la flotte de l'Empire Tsariste… » et cette rumeur venait du capitaine lui-même, personnage haut en couleur et un peu trop porté sur les bouteilles de vodka mal-distillée. Le vieux charpentier Arodnov, qui en connaissait un rayon niveau poulies et aventures mal-fagotées, préférait parler de L'Iskra comme du « pire rafiot que l'Empire Tsariste n'ait jamais connu ». Et si ces bouts de bois tenait encore sur l'eau, c'était uniquement parce que la chaire du marin est une bonne nourriture pour ces créatures des mers.

 

Malgré les zones d'ombres, Vlad signa le contrat et se fit un plaisir de se mélanger parmi les marins. Dès que le grand large fut en vu, il savoura l'odeur de la mer et cette nouvelle identité. L'existence lui offrait une seconde chance.

 

Dès le début du voyage, il coucha sur papier ses impressions, les détails du périple et le nom des personnes qu'il l'entourait. Le Second lui demanda de peindre le pont sous toutes les coutures et de faire le portrait de ses meilleurs hommes. Vlad s’exécuta. Il osa quelques questions sur la destination du vaisseau, mais il n'obtint qu'un refus catégorique et l'ordre de reprendre ses affaires aussi promptement que possible. A cela se rajouta un regard noir comme les abysses.

 

Le charpentier Arodnov fut le premier des marins à être croquer sur le papier. Vlad l'avait choisi pour son visage brut et minéral. Rien ne semblait transparaître de celui-ci, ou à peine une onde électrique à travers ses pupilles bleuâtres. Il se tût un instant et se laissa croquer par la mine du crayon. Les embruns tâchaient le papier. Cela donnait du corps au dessin. Au bout de quelques minutes, le marin observa l'esquisse et, satisfait, tapa un grand coup dans le dos du peintre. Vlad valdingua. Il se releva et remercia le marin. Il en profita pour lui poser la question qui lui brûlait la langue :

 

« Savez-vous où nous allons ? »

 

Le vieux marin n'eut aucune réaction.

 

« Si vous êtes ici, c'est qu'il vaut mieux ne rien savoir... »

 

Malgré cette réponse, Vlad insista et réussit à faire obtenir du vieil Arodnov les coordonnées du bateau au jour le jour, elles qui étaient jalousement gardé par le Second. Mais il n'obtint aucune information supplémentaire. Il savait où il était, mais il ne savait pas où il allait.

 

Vlad repartit croquer d'autres marins, à la recherche de plus de précisions et d'indices, mais il ne fit qu'obscurcir le mystère. Les uns, violents, grognaient dans l'ombre à cause d'une étrange cargaison, d'autres méfiants, préféraient s'en tenir aux ordres, malgré la réticence ambiante. Tous les jours, Arodnov lui fournissait la position du vaisseau, sans en rajouter. Vlad commença à dresser le chemin parcouru et à imaginer un cap. Malgré ça, le mystère s'épaississait un peu plus tout les jours.

 

Une nuit, il profita d'une soirée bien arrosée pour descendre dans la soute et explorer les entrailles de la bête. Après les dortoirs, les réserves, il trouva une porte condamnée. Ce n'était pas l'armurerie, car il venait de passer devant. La porte portait un sceau étrange. Un cercle à l'intérieur duquel une étoile était taillée. Il tenta d'ouvrir la porte, mais elle était fermée. Il chercha un pied de biche ou un outils lui permettant de rentrer. Au premier coup de pieux, le Second atterrit devant lui et le repoussa. Il fut enfermé dans ses quartiers pour une semaine et s'en remit à lui-même. Il eut une pensée pour ses dettes qui l'avaient poussé à venir s'empêtrer jusqu'ici et à sa femme qu'il avait abandonné. Elle semblaient le narguer maintenant dans l'ombre, accompagné des trois Parques, ces petites vieilles, manipulatrices du destin, qui lui tissait un mélange d'entourloupes et de coups fourrés.

 

* *

*

 

Le soleil éclatait au milieu du ciel et Vlad peignait une aquarelle de la proue du vaisseau quand la vigie hurla : «  Terre ! TERRE !». D'après ses calculs, ils venaient de remonter le Pacifique Sud. Les 6 mois de voyage touchaient maintenant à leur terme.

 

Et c'est à ce moment là que l'équipage décida de se mutiner.

 

Emerveillé par l'apparition de l'île dans son champ de vision, pointe verte au milieu de l'eau bleue, Vlad ne comprit pas immédiatement ce qu'il se déroulait. Il vit les hommes se scinder en deux, la garde du capitaine se lever d'un côté, prendre les armes puis reculer soudain devant un hérisson de lames tendues par les mutinés. Deux courageux furent transpercés et jetés à la mer. Cela freina les autres.

 

Un matelot se dressa parmi les mutins, un homme svelte, maigre, mais de haute stature et qui marchait avec une aisance diabolique. Il ordonna à ce que l'équipage, le Second et le Capitaine soient enfermés dans le bureau de la kommandanture et aux autres mutinés de sortir le coffre. L'homme fixa soudain le regard de Vlad.

 

« Toi le peintre, tu restes ici... »

« C'est encore à moi de choi... »

 

Une lame vint se caler sous sa gorge et fit taire ses hardeurs.

 

L'homme sourit :

 

« Tu viens sur un bateau comme L'Iskra... Tu devrais savoir ce que veulent dire les mots exil et damnation... » 

 

* *

*

 

Des hommes remontèrent un coffre depuis les soutes, ainsi que des instruments de mesures. Ils les firent descendre sur les chaloupes. Vlad devina la cargaison derrière la fameuse porte. Le coffre était sombre, couvert d'une surface vitreuse et noire et semblait contenir autre chose que de la poudre à canon.

 

Les mutinés embarquèrent sur les chaloupes en direction de l'île et accostèrent sur la plage. Au bout d'un quart d'heure, ils avaient disparut dans la forêt, sous les ombres brûlantes.

 

Le reste de l'équipage fut déclaré prisonnier. Les quelques traîtres qui restèrent sur le Trois-Mats montèrent la garde et attendirent la nuit.

 

Vlad, qui sentait l'odeur de la curiosité lui monter aux nez, décida de s'enfuir du bateauet de rejoindre la rive à la nage. Il traversa sans encombres le bras de mer et se faufila dans la forêt, dans la nuit, ses carnets en poches et ses toiles pliées dans un sac en cuir. Il tomba sur le camp des mutinés, endormis. Quelle était le but de cette mission ? Pourquoi lui, pauvre petit malchanceux, avait-il fourré son nez dans cette histoire ?

 

L'équipée sauvage s'était arrêté sur les flancs d'une montagne. Les hommes s'étaient mit à creuser en suivant les indications donnés par les instruments de mesure inconnus. Une bien étrange scène s'étalait sous la lumière de la lune.

 

Que cherchait-il ?

 

Vlad profita du silence pour se diriger vers le coffre. Un gardien dormait contre, la tête de côté et la bave aux lèvres. Vlad prit ses précautions. Il détacha lentement les lanières de cuir qui l'entourait. Il souleva lentement le couvercle. L'homme remua. Vlad s'immobilisa, et attendit dans le silence. Le marin grommela dans son sommeil :

 

« J'ai jamais voulu v'nir chercher du fromage... Et puis, chuis pas une souris.»

 

Vlad resta silencieux, à la limite du fou-rire et de l'arrêt cardiaque.

 

Puis il souleva lentement le reste et fronça les sourcils en voyant l'objet à l'intérieur.

 

« Qu'est-ce que... »

 

Il eut juste le temps d'entendre la détonation et de sentir le froid de la balle qui s'enfonçait dans ses vertèbres, et ce fut la fin...

 

Fin de la première partie...

 

 

 

 

 

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