JUNE BUG ( 1/10 ) Ça se passe au bord d'une

JUNE BUG

( 1/10 )

Ça se passe au bord d'une route.

De l'herbe jaune pousse sur le bas-côté.

Une borne kilométrique pointe son nez hors de terre.

Un parc à vache s'étale derrière.

Un merisier rabougrie étire ses branches dans le pré.

Et il y a elle.Qui lève le pouce. Avec un air effronté.

Ses cheveux s'effilochent avec le vent. Un yukulélé pendouille dans son dos. Un jean lui serre bien les fesses et un pull la tient bien au chaud.

Derrière elle, un mec fume une sèche. Il est assis dans l'herbe, les genoux remontés. Il regarde la route.

Une voiture déboule au loin.

La fille avance d'un pas. Elle agite le bras. La voiture fait un écart, passe à côté et file sur la longue route.

«Connard.»

Il est sept heures du matin.

Un van Wolkswagen rouge a deux roues enfoncés dans le fossé, un stickers collé au cul. Il y a écrit « JUNE BUG » dessus.

« Anne... Cha cher à rien. Perchonne va charrêter à cht' heure-là... »

Le type qui vient d'ouvrir sa gueule est assis sur le macadam, à côté du type qui fume. Il a les cheveux en pétard. Un verre de lunette éclaté. Et un mouchoir ensanglanté qui éponge sa lèvre inférieure.

«  Tu as peut-être une meilleure idée Franz ? »

«  Bah chépa... Appeler la dépanneuche. »

Franz sort son portable.

Anne rétorque :

«  Je t'en prie... A cette heure, ils sont encore entrain de cuver leur vin... »

Franz l'allume. Il plisse ses yeux.

« Vous connaichez le numéro ? »

Personne ne lui répond.

« Ouhouh, je vous parle... »

Rien.

Que du vent.

Et des mésanges.

« Chuper l'echprit de groupe. Merchi. J'aurais mieux fait de rechter chez moi à regarder les nuaches...»

L'autre type - celui qui a les genoux remontés - crache une colonne de fumée.

« C'est has been de regarder les nuages. »

« Je t'en poge des quechtions ? »

« Va voir dans le van... »

« Ouai. Ch'est cha. Merchi. Où, dans le van ?»

« Dans la boîte à gants. »

« Vous êtes vraiment chympas avec les blechés. Les actchions caritatives, vous connaichez ? »

Franz se lève douloureusement et marche vers le van. Anne le regarde :

« C'est dommage. Quand t'étais allongé on pouvait croire que t'était mort et j'suis sûre que ça augmentait nos chances auto-stoppiques... »

Frantz s'arrête. Et se craque une vertèbre au passage.

«  Tu préférerais que je chois mort plutôt que vivant ? »

«  J'ai pas dit ça... »

«  Chi ta dit cha ! »

«  Mais nan... »

«  CHI ! »

«  NAN ! J'ai dit que par terre, tu nous sers plus que debout, à chercher un numéro qui ne répondra pas ! On est dans le trou du cul du monde, bordel de merde, on se pelle les ovaires et on doit être à Bertival à midi pour les balances. Mais à part ça, TOUT VA BIEN !!! »

Franz se tait.

Anne se mord la lèvre. En rythme avec sa semelle qui claque l'asphalte.