Aaltrade Benoît Délépine et Gustave de Kervern
Aaltra
de Benoît Délépine et Gustave de Kervern
Premier film des compères Délépine et Kervern, Aaltra m'a définitivement convaincu que le cinéma français cachait deux clowns tristes géniaux dans ses valises et qu'il pouvait s'extraire du parisianisme ambiant et des copies frustrées de films américains. Tourné dans un noir et blanc crasseux, avec des acteurs pro et non-pro, l'histoire raconte comment deux voisins devenus paralysés après un accident agricole s'en vont sur les routes, direction Namur et Helsinki. C'est affreux, c'est sale, c'est méchant, et plus on nous fait comprendre que c'est des salopards, plus on les aime. Renversement: fous une baffe à ton voisin, il va t'aimer. Pas de sentimentalisme. Ni pour toi, ni pour moi, ni pour les handicapés. Le film est posé sur sa chaise, burlesque et pépère, jamais stressé par un montage de sniffeur de coke. On boit. On traîne. Les visages sont de marbres. À la Buster Keaton. C'est foutrement drôle. La construction des plans me rappelle Mammuth. Il s'agit de les faire mijoter. On rajoute des ingrédients au fur et à mesure et on fait revenir les détails dans la sauce et on amène lentement l'élément perturbateur. Comme si chaque plan était une séquence. C'est pas trop bavard. C'est un verre de mélancolie sur un quai des brumes, avec un bol de cacahouètes salées sur le rebord qui sent un peu la pisse. Le road-movie fait percuter les deux loosers contre d'autres créatures : Kékés, amnésiques, motocrosseurs, Benoit Poelvoorde, famille hollandaise, la clique de ces gens-là, ces types et ces nanas comme les autres, avec leurs bosses, leurs gueules et leurs petitesses. La scène où Bouli Lanners chante est à se pisser dessus. Je n'en dis pas plus. Surtout que la fin aussi vaut aussi son pesant de cacahouètes ( grillées pour moi ) et sa poignée de main bourrue mais sincère. Film de l'errance-en-quête, film de Don Quichotte, film qui pue, qui pète, que rien n'arrête, Aaltra est génialement chouette.
Il pleut souvent ici ?
Oh non, seulement le dimanche...
Mais on est lundi là...