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Un regard sur la route
25 septembre 2010

Un pied apparait à l'écran. Doux. Satiné.

Un pied apparait à l'écran.
Doux. Satiné. Lumineux. Comme lavé de tout vices.
Puis une main s'approche et place du vernis dessus, délicatement.

LOLITA

De Stanley Kubrick.


Outre le fait marquant que la photographie chez Kubrick est toujours hissé au sommet de son art, et invite à la contemplation à chaque plan, autant dans la maîtrise de la lumière et des compositions que dans la virtuosité de ses mouvements de caméras, un étrange engouement emporte le spectateur, dans ce film tiré du roman de Nabokov; livre aux pétales de rose et de souffre. Entre la comédie amer et le drame psychologique acide, le film nous invite à suivre, par l'intermédiaire parfois de lectures en off d'un journal intime, l'histoire d'un écrivain quinquagénaire rigide, qui tombe amoureux de Lolita, petite vierge immaculé, fille d'une veuve rondouillarde et lunatique aux accents bovarien. Le tout se déroule dans l'atmosphère souriante et frigide du début des années 50, à un moment où une certaine retenue persiste encore dans les mœurs ( Bien qu'à ce moment là, Kerouac et sa bande valdinguent sur les routes en écoutant du jazz à plein tubes -ce que Quilty représentera dans le film-), les voisins écoutent aux portes, suspectant les éclats de voix de ceux qui ne se conforme pas au modèle de l'époque, les afro-américains sont effacé des écrans, réservé aux rôles de bonnes ou de groom, et la sexualité, bien que transpirant de partout, restent encore muselée, sujet à controverse, comme souvent au Etats-Unis, malgré l'arrivé de la psychanalyse qui tente de débloquer certains refoulements, comme le montre la séquence tordante du Docteur Vom Schmerz, ersatz de l'artiste Quilty.

Nageant ainsi entre une fascination quasi divine et une tentation pédophile interdite, voir incestueuse, c'est la relation qui noue l'écrivain à la toute jeune Lolita qui porte les flammes du film. La frustration engendré par cette idylle impossible est le véritable nerf à vif, l'essence qui fait brûler une vie jusqu'à sa fin. La dernière scène, qui est aussi celle de l'introduction par ailleurs, est véritablement géniale. Peter Sellers est drôle et fascinant, ce qui donne envie de voir ses autres performances soit-dit en passant. Il donne la touche humoristique pour la suite, un jeu tout en finesse, où la croûte de la peur et du malaise se cache sous le vernis de l'hilarité absurde. La dernière balle qui éclate dans la joue de porcelaine de la femme du tableau, signe comme l'arrêt de mort de l'écrivain, le derniers pas dans sa chute, rappelant bizarrement le personnage du mari jaloux dans " El " de Luis Bunuel. 

Le poison innocent qu'est Lolita, incarne le fantasme intouchable, l'insouciance d'une jeunesse qui hurle "Sieg Heil ! " et grimace à tout bout de champs.  L'homme, retenue par sa morale, mais assoiffé de romance, brûle ses ailes et chute, irrémédiablement. Possédé par sa possessivité. L'épicentre du séisme se situe dans la beauté des prunelles de cette poupée blonde. Les regards de l'écrivain ne sont eux, que des traces de ce ravage, un champ de ruines où un feu s'est installé et ne pourra plus jamais s'éteindre.

Mais la momie se lève. Son visage immonde est rongé par les vers. Comme le rappel baudelairien d'une laideur à venir, d'une beauté éphémère, œuvre d'un artiste génial mais pervers, pomme pour l'Adam concupiscent.

Pour moi, Lolita n'atteins pas les sommets de 2001, de Barry Lyndon, ou de Shining, pour ne prendre que ces exemples. (Je n'ai pas encore vu Spartacus, Ultime Razzia , Docteur Folamour ni Le Baiser du Tueur). Mais Lolita laisse une trace indéniable. Une griffure le long du cou, comme après le passage d'une main de vamp qui vous aurait laissé sa signature d'Adieu avec ces ongles vernis de rouge.

reprise_de_lolita_de_stanley_kubrick_M17952

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