Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un regard sur la route
11 janvier 2010

TetroFrancis Ford CoppolaParler du dernier film

tetro

Tetro

Francis Ford Coppola



Parler du dernier film de Coppola revient forcément à mettre en rapport sa filmographie précédente (Apocalypse Now, Le Parrain ou encore Dracula). Car si Tetro suit la lignée du cinéaste, dans ses thèmes et ses figures, il se dégage par une certaine fraicheur, par une jeunesse, qui n'est pas sans rapport avec sa nouvelle autonomie économique et son divorce avec Hollywood, qu'il a amorcé depuis l'Homme sans Age.

En effet, Tetro a été auto-financé par Coppola avec sa société de production, American Zoetrope. Le cinéaste explique lui même qu'il s'est revu prendre la place de jeune étudiant en cinéma qu'il a d'abord été, avec sa soif et son intimité. D'où la nécessité d'être rapide et simple, de filmer ce qui doit l'être, sans épanchement ni retouche. Filmer les films qu'ils rêvaient de faire quand il avait la fleur de l'âge entre ses mains.

Il y a par conséquent une sagesse mature qui transpire de Tetro, une nécessité et une joie neuve, comme si l'homme avec ses années, sa bouteille, retrouvait le vin de la jeunesse, le vent de l'expérience allié au calme et au plaisir de la retraite.

Tetro est une histoire de famille. Encore une. Elle se déroule en Argentine, pays  pluri-culturels, aux accents espagnols et aux charmes latins.

Benjamin, serveur dans un paquebot en escale, arrive  par semi-hasard dans l'appartement de son frère misanthrope, Angelo, et tente pour le coup de renouer le lien avec lui, de découvrir ce qui se cache derrière ce fantôme qu'il a connu dans le passé. Mais Angelo is dead et il s'appelle Tetro maintenant. Partit il y a des années de cela en Argentine, pour écrire loin de la famille, loin de son père-ogre qui n'a pas encore été tué, métaphoriquement, Tetro connait une vie de bohème entre le théâtre où il travaille et sa femme Felicita. Le contact est rude entre le jeune Benjamin, et son frère grincheux. L'un aimerait connaitre l'autre, l'autre aimerait rester anonyme dans son rôle masqué. Heureusement, il y a autour d'eux une ribambelles de personnages, prêt à jouer les aiguilles à tricoter dans ce nœud de secrets, de non-dits, d'amour muet et de séquelles à cœur-ouvert, et le film raconte comment la pelote va se dérouler, comment la vie et son théâtre vont faire resurgir les souvenirs et la tragédie enterré.

Sublime et baroque, la photographie en noir et blanc rappellent ces clichés des Studios Harcourt, avec leur grâce mais aussi leur artificialité. La peinture de l'Argentine est vivifiante, certaines scènes ont quelque chose de fellinienne, les plans sont des tableaux en mouvement.

Les acteurs jouent avec force et honneur. Vincent Gallo en faune rongé, fumeur de cigarette, Alden Erenreich en matelot Di Caprien et Maribel Verdu, en belle dame au sang chaud.

Le film est un opéra: L'histoire, les envolées, les voix des chanteurs, la musique -avec sa noirceur et ses éclats-, les parenthèses oniriques et dansées, les personnages et les orchestres. Tout s'alchimise et se chante. En arrière fond, les ruelles argentines, les enfants qui jouent et crient, les terrasses en été, les papillons de nuit qui battent des ailes contre les ampoules électriques et proustiennes.

Coppola rend hommage à ses passions, à la littérature, avec Angelo, l'écrivain maudit, à l'opéra avec l'univers des Tetrocini, au théâtre avec Fausta, cette pièce bricolé et sexy, et puis au cinéma surtout, avec la femme horloge des Contes d'Hoffman. Coppola se cuisine un menu où tout ce qu'il aime est rassemblé, non pas dans un grand festin, mais plutôt dans un buffet pour des retrouvailles , une suite de plats qui se cassent et de verres qui se brisent, mais qui se transforme et qui serve la chaleur de la famille, ingrédient si cher au palais du cinéaste.

Les plans sur la Patagonie laisse libre cours à la rêverie. Les passages oniriques des danses rappellent L'Imaginarium d'un certain Parnassus. La scène du bain glissent sur les  fantasmes. Car il s'agit aussi de la naissance d'un enfant, Benjamin, ange salvateur de toute cette histoire.

Le père hante tout le film. Comme si Coppola lui-même se racontait, Zeus lubrique, génie dans l'ombre de sa progéniture.

Tetro n'est pas LE grand film de Coppola, mais il marque un nouveau départ , tout en beauté, en lumière, en cristalisation. Il sent la jeunesse de l'homme sans age, la vigueur d'acteurs flamboyants et le bonheur de faire du cinéma.

L'année commence bien.



G14725_574086792

Publicité
Publicité
Commentaires
D
Bonjour, j'ai moi aussi beaucoup aimé ce film qui ne fait pas l'unanimité. J'ai été sensible au noir et blanc et au fait que cela se passe en Argentine (voir mon billet du 15/02/10). En tout cas, je suis contente de l'avoir vu. Le jeune qui joue Benny a un faux-air de Di Caprio (en mieux).
Répondre
C
Ouais mais c'est de bonne guerre, et puis ça sonne bien le "Go Back....". Enfin n'abusons pas trop dans la répétition quand même!<br /> <br /> Oui en effet tu allais dire une connerie Anto (nioni?)c'est à 20 000 456 789 kms du mélo dégoulinant 0=)[enfin C l'absence de tout que tu lui reproches peut être et pourtant et pourtant...quelle densité!] tout comme Jacques Demy d'ailleurs 0=) Nan mais plus sérieusement (parce que je doute qu'on puisse revenir sur nos positions c'est bien plus marrant comme ça) je te prêterais l'Avventura et Ordet de Dreyer. Après je te laisse dire ce que tu veux (enfin...dans une certaine limite bien sur...)<br /> <br /> Pour ta défense je n'ai ni vu District 9, ni Avatar...[et là tu vois que c'est la magie du cinéma: ma mère vient de m'envoyer un msg pour me demander si je veux une place pour avatar samedi soir. Je pourrais donc te dire après celà!]<br /> <br /> Pour la photographie, je ne sais pas si on peut parler de parenté, parce que ça relève de toute une esthétique qu'on ne pourrait imputer à un seul cinéaste, enfin je crois, je parlais plutôt d'une lignée. Et pour le 4/3 c'est vrai que je n'avais pas du tout vu ça sous cet angle et ça me paraitrait assez juste!<br /> <br /> Mais oui en fait, on est plutôt d'accord sur le film et je t'ai dit je suis un tout petit peu de mauvaise foi aussi mais c'est pas de ma faute, j'ai un alibi...j'étais...<br /> <br /> ...Et je serais...au cinéma! Pour ta question je sais pas, la semaine Télérama aura commencée? Parce que je m'embarquerais bien en Italie voir Vincere... faut que je rattrape le Ruban blanc, Un prophète et les herbes folles mais je pense que j'irais plutot avec Adeline non? Après je te fais confiance dans tes choix, si tu me dis que Mr Nobody a l'air sympa! Et puis il y a Invictus aussi... je crois qu'il va falloir faire un choix!
Répondre
A
"TETRO C’EST MELO ??? GO BACK TO HELL AUCLAIR ! "<br /> <br /> Perche tendue, perche attrapée! Ahlalala... Encore la schizophrénie des khâgneux qui fait des siennes...^^<br /> <br /> Ok, le "you are my son" fait un peu Dark Vador en Argentine, mais bon, c'est pas aussi dégoulinant que chez d'autres cinéastes... Comme chez Anto... Oups, j'allais dire une connerie...<br /> <br /> Et puis je n'ai jamais dit que Tetro réinventait un langage cinématographique. Si c'était vraiment le cas, ça se verrait. Il faut pour cela aller voir District 9 ou Avatar si j'ose dire...<br /> <br /> Là où je suis tout à fait d'accord, c'est l'influence des autres cinéastes. Je n'ai vu de Dreyer que l'extrait que tu nous as montré en cours, mais il est vrai qu'il y a une certaine parenté. Les plans - juste les plans hein?- des films d'Antonioni, dans sa période Néo-réalisme intérieur, ont la même beauté, je suis obligé de te céder ça...^^ Et il est clair que le côté freudien, voir proustien, de l'histoire, avec ces flash-backs, ces résurgences, ces non-dits; ça fait largement penser à Hitchcock.<br /> <br /> En ce qui concerne le 4/3, je ne pense pas qu'il l'ait voulu, mais plus qu'il l'ait subit. A voir..<br /> <br /> Alors, la semaine prochaine? Où est-ce qu'on s'embarque?
Répondre
C
Très belle critique, une nouvelle fois Antoine c’est un plaisir de te lire. <br /> <br /> Pour le film, je vais justifier ce bref commentaire que je t’ai laissé la dernière fois. Je suis d’accord avec toi sur toute la ligne : c’est un très beau film, réalisé avec un œil de maître, des images de la Patagonie superbes, mais celle de Buenos Aires n’ont rien à leur envier, une direction d’acteurs originale et réussie, un drame familial très bien ficelé, une épaisseur de personnages réelle… et tout le reste tu le dirais beaucoup mieux que moi. Il y a tout pour faire un chef d’œuvre mais je ne lui décernerais pas la Palme, même si il avait concouru. <br /> <br /> Un premier bémol : ça reste un peu mélo à la fin (et là tu vas crier : mais tu aimes Demy et tu oses dire que TETRO C’EST MELO ??? GO BACK TO HELL AUCLAIR ! [non tu ne dirais pas ça quand même hein ?]) Mais je continue à le dire et j’aime ça le mélo hein, je suis contente qu’ils se retrouvent à la fin, c’est ce que je voulais et j’ai eu très peur aussi qu’il soit renversé Benjy et tué mais le « you are my son » était peut-être un peu de trop. Enfin ça c’est parce que je cherche la petite bête et tu vois bien qu’elle est minuscule.<br /> <br /> Mais c’est pas ça mon réel problème avec le film. Parce que je n’ai aucun problème avec film, ce qui me dérange c’est la critique qu’on en fait. Qu’on dise qu’il invente avec Tetro un nouveau langage cinématographique, je ne suis pas d’accord, et c’est faire peu de cas de réalisateurs à qui lui, je pense et j’espère, rend hommage. Sa photographie est parfaite mais elle n’a pas l’intelligence et le sublime de celle d’Antonioni ou la majesté de celle d’un Carl Dreyer. Je n’ai pu m’empêcher de penser à Hitchcock tout le long du film lors des flash back et des psychoses des personnages. Tu es d’accord qu’il choisit 1 figure (les lumières éblouissantes) qui provoque 1 psychose (les absences des personnages le « ne regarde pas les lumières ») parce que la figure renvoie à un drame non dénoué, un point noir refoulé dirait Freud (ici c’est toute l’histoire, Benjy, le patricide etc et je n’en dit pas plus car on ne sait jamais des yeux innocents qui n’auraient pas vu le film pourraient m’en vouloir !). Maintenant fais la comparaison avec 4 films d’Hitchcock et certainement bcp d’autres mais ceux là je peux l’affirmer : Le cabinet du docteur Edwards, Pas de printemps pour Marnie, Vertigo et la Mort aux trousses. Ils sont tous construits sur le même schème… je dirais la scène en Patagonie où Tetro est ébloui par la glace est une citation explicite d’Hitchcock…mais ça n’engage que moi.<br /> Pour les passages en couleur je n’ai toujours pas compris ou vu son besoin de passer en 4/3… a part ça les couleurs sont aussi très belles mais tu l’as dit toi-même, c’est un hommage à l’opéra, aux Contes d’Hoffmann etc…<br /> <br /> Tetro est pour moi un film hommage, un film qui aime le cinéma… en cela il est très bien réussi et même parfaitement bien réussi. Le bonheur de faire du cinéma tu l’as dit. Mais je ne dirais pas que Tetro constitue une renaissance pour le cinéma en même temps que pour Coppola.<br /> <br /> Celà dit oui, c'est une très bonne année qui commence.
Répondre
G
Très très belle critique que tu as pondue là. Tu as su dire toute la dualité qui semble habiter ici Coppola, à la patriarche hollywoodien expérimenté et serrein et jeune cinéaste indépendant dans sa démarche (il a également refusé de concourir en sélection officielle à Cannes, préférant la plus modeste Quinzaine des Réals)... Le résultat est...à part ! Et il semble que ce soit le plus beau compliment que l'on puisse faire au cinéaste dont on a hâte de voir les oeuvres futures !
Répondre
Publicité
Un regard sur la route
Archives
Pages
Publicité