Pour une fois, je fermerais ma gueule. Parce

Pour une fois, je fermerais ma gueule.

Parce qu'il n'y pas grand chose à rajouter, et qu'il n'y a qu'une chose à faire.

1. Lever ses fesses.

2. Prendre 6 euros dans sa tirelire, ou chez ses vieux.

3. Courir au cinéma le plus proche, comme si Jesus y faisait un caméo.

4. Et se laisser enfermer dans ce qui est, peut-être, le meilleur film français de l'année.

Comments

[Antoine]

Héhé. Faut choisir entre se voiler la face et rester dans sa bulle mon cher Bastien.

Le tout, c'est de voir le cinéma comme une fenêtre. Soit elle donne sur le monde, soit sur un ailleurs. Moi j'aime bien les deux horizons. Apparemment tu n'en aimes qu'un seul.

Mais certain films, qui prennent un sujet très grave et dépressif, (ELEPHANT de Van Sant) sont géniaux dans leurs mises en scène, dans leurs façon de sublimer le réel. On est pas là en train de dire, " Ouai, vive les sujets suicides, venez vous jetez sous les rails avec moi!" Non. Si tu aurais vu ce prophète, tu aurais vu qu'il n'y avait pas que du réalisme pur et dur dans le film, mais aussi des graines de poésie.

Et sinon, j'ai trop kiffé sa mère District 9. J'ai bien failli dégueuler aussi. ;) Comme quoi....^^ On peut ouvrir une fenêtre à deux battants...

Mais j'aurais peut-être pas assez de temps pour en faire la critique.

[Bastien]

Avec la bande annonce, je sais déjà dans quoi je plongerais si j'allais voir ce film. Des cadrages serrés, une lumière gloque, une histoire triste et sordide avec une morale écrasante et pessimiste.
Des dialogues violents et vulgaire.

Bref une transcription parfaite de l'univers carcéral et une excellente mise en images du malaise. Je sais d'ores et déjà que ce film est réussit. Et en fin de compte je n'ai pas besoin d'aller voir un film excellent qui me montrera que la ville est moche et injuste et que Jacques Audiard a beaucoup de talent pour la réalisation. Ce qui ne me donne pas pour autant envie de voir ce film et même que contraire. Je sais déjà que je ne vais rien apprendre, que ça ne m'apportera rien et que je vais me sentir mal pendant 2 heures en regardant des gens se taper dessus.

Voilà de bonnes raisons de détester un excellent film.

PS: L'expérience qui m'avait vacciné à ce niveau-là était Gomora, un film tellement bien fait que j'en avais gerbé. Alors ce sont des chefs d'œuvre c'est sûr mais si ça donne juste envie de se suicider, c'est pas la peine.

À voir absolument : District 9 !

[Antoine]

Bon, je pourrais encore continuer à te répondre pendant 107 ans, mais s'il y a quelque chose de bien dans tout ça, c'est que les goûts ne sont jamais les mêmes, et que même contradictoires, ils ne reposent pas sur rien.

Tu me fais marrer avec ton Cassavets et ton Bergman. Et La ligne rouge alors? Dead Man? Les dents de la mer? Hunger? Nosferatu? Brice de Nice? Hein? ^^

Merci encore poour ce débat. Faudra que je vienne t'embêter chez toi. Genre sur District 9...

[Paul]

Je commence par la fin : les autres surprises françaises se résument à que dalle. Un Larrieu, un OSS, c'est à peu près tout. Le cinéma français est mort et enterré.

Ensuite, je mentionnais Les Derniers Jours juste comme ça au passage, les deux films sont évidemment incomparables.

L'influence de Scorsese est bel et bien là (l'aspect grande "fesque" criminelle bigger than life), mais il y a aussi du Coppola (Le Parrain...), du De Palma (L'Impasse, Scarface...), que de l'anglo-saxon. Audiard puise ses références dans les grands films de gangster américains mais n'arrive pas à donner la même ampleur, la même majéstuosité à son film je trouve. Par contre, il ne copie pas, et ça c'est bien, il trouve un vrai style et nous démontre qu'il se débrouille sacrément bien, qu'il maîtrise parfaitement son truc (enfin lui et ses techniciens).

C'est vrai également que l'émotion brute qui se dégage du film est assez prenante (malgré quelques baisses de régime sur les 2h30). Le sens du suspense tout particulier d'Audiard marche plein pot pendant la scène de meurtre qui est vraiment glaçante et extrêmement réussie.

J'aime bien aussi comme toi les petites incursions dans le fantastique, un peu vaines, mais intéressantes et troublantes.

Par contre, je ne vois pas de "social" dans ce film. C'est ce qu'on pourrait croire en voyant la bande-annonce, ces images "caméra à l'épaule" à la Dardenne, mais Audiard ne dénonce rien hormis la corruption (et encore assez vaguement). La prison n'est que le décor de la tragédie criminelle, pas un personnage. Sa surpopulation, les conditions de vie merdique, on n'en entend pas parler, rien n'est évoqué. Ce n'est pas un reproche, Audiard a fait un choix, et c'est bien.

Mais je reproche toujours au film son manque de fond, de propos, c'est un peu un tour de magie que nous fait Audiard, il nous en fout plein les mirettes ("Tiens, t'as vu comme je suis bon, dans ta face !" non, j'abuse) mais au final c'est bien vide. Grand moment de pur cinéma tout de même (d'un point de vue strictement technique et stylistique), mais un peu vain.

Rah de toute façon les deux seuls chefs d'oeuvre au monde c'est Fanny & Alexandre et Une Femme Sous Inluence =p

[Antoine]

Putain, enfin un commentaire intéressant!!!^^

Ok, je n’ai pas vu Les derniers jours du Monde. Mais bon, cela ne m'empêche pas de croire qu’Un Prophète est le meilleur film français que j'ai pu voir cette année.

Ce qui a de génial, c'est la force que ce film arrive à générer. Chépas toi, mais dès que les premières images apparaissent, on sent ses nerfs se tordre. On en vient à s'agripper au siège. On sent la musique s'infiltrer dans ses veines, comme une dose de nicotine.

Ok. Tout ça, c'est du subjectif. C'est brut. C'est ce que je me suis dis à la sortie du film. Mais ça n'empêche rien. Il possède toutes les qualités que je recherche au cinéma.

Je trouvais que cette histoire d'ascension avait le don d'allier polar et récit-social d'une manière vraiment puissante. Je ne vais pas te faire un dessin sur la condition des prisons française en ce moment, mais ce n’est pas joli-joli. Je trouve qu'il y a une vraie habileté à jouer sur le suspens, la tension tragique et le problème carcéral dans un film de ce genre, si codifié.

Après, tu l’as reconnu toi-même, il y avait dans ce film un casting à tomber par terre. On savait tous que Niels Arelstrup (j’arrive jamais à écrire son nom) était un grand, mais là, le petit Tahar Rahim, on a envie de le prendre dans ses bras, on a envie de lui dire qu’il était parfait dans son rôle et que si Charlotte Gainsbourg ne s’était embarqué en forêt pour aller jouer avec des ciseaux, Tahar ne serait pas passer loin du prix d’interprétation.

Il y a aussi cet onirisme latent, ce fantôme shakespearien qui restent aux coté de Tahar, brûlant et horrible, cette musique d’Alexandre Desplat, qui a défaut d’être redondante, instille quelque chose d’aérien, de lent, d’incisif, de poétique, cette histoire du chien Tyson, le passage des chevreuils… Enfin toutes les petites perles de l’huitre, si j’ose dire…

Moi ce que je vois, c’est la rareté. C’est la force.

J’ai beau chercher -faudra que je cherche peut-être du côté des frère Larieux, tu me diras - mais bon, je suis en extase devant cette émotion, qui d’habitude, n’est pas au rendez-vous de film français. L’influence scorsésienne doit être surement là. Mais je ne suis pas assez spécialiste de l’américain pour te le confirmer. Tu es plus cinéphile que moi pour me le certifier.

Un prophète a pour moi, tout d’un grand film. Et ça c’est rare.

Ma question serait alors : Quels ont été tes autres bonnes surprises françaises ?

Je pense que c’est toujours bien la confrontation de deux points de vue. A quand un catch Larieux /Audiard ?

Merci encore pour ton commentaire !